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Loin des bruits du monde

Galerie L'air libre - Volet I - février 2015.

Galerie Bonheur d'occasion - Volet II - février 2015.

Galerie du Parc - Volet III - du 21 février au 3 avril 2016.

Dessins et enregistrement sonore. 

Extrait. Texte Une voix pour ne pas mourir (autrice: Guylaine Chevarie-L.) et voix d'Ariane Émond.

D’abord, mon corps s’est mis à danser, puis à redécouvrir à travers la danse un mouvement premier : la marche. J’ai traversé le studio de danse en marchant, chaque fois de plus en plus lentement. Chaque fois, je prenais conscience de mon corps propre et le distinguait du corps objet tel qu’il apparaît dans le monde. J’ai voulu garder une trace de cette expérience et c’est alors que je me suis mise à peindre cette danse sur papier avec mes pinceaux chinois et l’encre de Chine.

 

Puis, quelques années plus tard, à la campagne, j’ai enregistré ma respiration en marchant de la maison à la rivière. Dans cette trace sonore, j’ai entendu un rythme, un souffle presque obscène. Je me suis installée au bord de la rivière avec mon petit cahier et j’y ai écrit un court texte inspiré par le rythme de ma respiration entendu dans l’enregistrement. L’écriture était très fragmentée : des mots, plutôt que des phrases. Je venais d’écrire mon premier texte du même lieu d’où avaient émergé mes premiers dessins : le lieu du corps. Pour que ce texte puisse rencontrer le son de ma respiration, il devait trouver une voix audible. C’est alors que j’ai enregistré ma voix lisant ce texte, celui-ci devenant une partition.

 

Je suis revenue à l’origine de cette expérience de mon corps porté par une voix audible, mais aussi visible. Comment rendre visible une voix ? En passant par l’écriture ? Avant d’être un moyen de communication, l’écriture est d’abord le geste de la main et du corps en mouvement. Ce corps laisse des traces, des taches et des signes, qui sont d’abord visibles avant de devenir lisibles. Je suis partie des lettres de l’alphabet et j’en ai dégagé de nouveaux signes en réduisant les lettres à des lignes courbes et à des lignes droites. Les signes sont redevenus énigmatiques et picturaux. Je les trace à l’aveugle, me concentrant sur la sensation du mouvement plutôt que sur leur aspect visuel. Entre la tache et le signe, un dialogue se construit qui engage le corps atteint par une voix qui échappe aux mots, mais qui n’en est pas moins signifiante.

 

Parallèlement à cette pratique picturale, le travail d’écriture tente de revenir à l’oralité. Le texte commencé au bord de la rivière a trouvé une suite. Il est à entendre avant d’être à lire. J’emprunte maintenant la voix d’une autre, celle d’Ariane Émond, par exemple. Paradoxalement, la voix d’une autre me donne la distance nécessaire pour mieux entendre la voix de la narratrice, cette petite musique qui nous chuchote à l’oreille sa précarité. Plus que la narration, la voix cherche à dire d'où elle vient et où elle va, sans jamais totalement y parvenir.

 

La voix est ce que nous avons de plus précieux et qui se perd trop souvent dans les bruits du monde. Entre la trace gestuelle et vocale, une rencontre a lieu. C’est peut-être au sein de cette rencontre que la voix nous conduit hors des dérives de la modernité.

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